Avec une population très jeune et majoritairement féminine, la création d’emplois pour ces deux catégories de la population est un défi pour les pouvoirs publics, y compris le monde de l’entreprise

"J’ai un master en comptabilité, mais comment trouver la bonne affaire, le bon filon qui n’est pas saturé ?" "Moi, j’ai inventé un savon contre la dépigmentation et j’ai besoin de financement pour développer ma petite société qui fonctionne déjà" "Est-ce que le gouvernement compte faire quelque chose pour nous les jeunes filles ?" "Y a t-il un âge pour entreprendre ?
Dans la salle de conférence de l’hôtel Bravia où près de deux cents femmes étaient conviées le 30 septembre dernier à une conférence publique sur le thème de l’entrepreneuriat féminin et des jeunes, les questions fusent.
Mme Tanguy, membre du Groupement International des Femmes Actives, pour le Développement Economique (GIFA LEPFIDA) vient de terminer un exposé sur le leadership féminin. Après avoir cité des exemples de femmes leaders dans le monde (Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, Oprah Winfray, célèbre animatrice et productrice noire américaine, Hillary Clinton, candidate à l’élection présidentielle américaine), la conférencière explique que les femmes doivent d’abord, avoir confiance en elles, ne pas chercher à faire comme les hommes, mais développer leur sensibilité féminine pour entreprendre, et transformer en atouts ce qui ce qui apparaît comme des handicaps dans leur lutte pour l’autonomie financière et économique.
Sur la première question, c’est Apollinaire Compaoré, PCA de Telecel, président du Groupe Planor Afrique et parrain de la conférence, qui s’y colle. "Il n’y a pas de secteur saturé où on ne peut rien faire", dit-il. "Quand j’ai commencé, il y avait plusieurs jeunes qui vendaient les billets de tombola comme moi, mais tous ne sont pas devenus Apollinaire Compaoré. Il faut seulement persévérer. Dieu donne à chacun ce qu’il a à donner ; donc je vous encourage à entreprendre là où vous croyez que c’est possible de réussir". A celle qui recherche un financement pour boucler son budget et développer sa production de savon magique, "qui répare même les peaux abîmées par les produits", Apollinaire Compaoré croit que la solution à l’angoissante question du financement passe par la création d’une banque d’investissement, car les banques commerciales ne peuvent pas prendre trop de risques dans le financements des projets comme le vôtre. "Continuez à vous battre et ne lâchez pas" lance t-il à l’assistance, avant de révéler que jeune commerçant, il se faisait chasser devant les ministères où il espérait fourguer ses marchandises aux fonctionnaires. "Le gardien me chassait un jour et demain, je revenais. Il me chasse encore et le surlendemain, j’étais encore là" ;un entêtement qui a fini par susciter la sympathie du vigile. "Il ne faut jamais baisser les bras devant la moindre difficulté" a confié le richissime homme d’affaires dont le parcours montre que rien n’est définitivement prédéfini.
Présidée par le premier ministre Paul Thiéba Kaba, la conférence était organisée par le Groupement International des Femmes Actives, pour le Développement Economique (GIFA LEPFIDA), une organisation féminine qui oeuvre à l’émancipation de la femme par l’entrepreneuriat. Pour l’occasion des délégations de femmes étaient venues de la Côte d’Ivoire, la RDC, le Mali et la France.

C’est avec un gros retard que la conférence a commencé, ce qui a fort agacé les participantes arrivées sur les lieux dès le début d’après-midi. Le premier ministre s’en est d’ailleurs excusé, expliquant qu’il était hors de Ouaga, avant de dérouler son discours, essentiellement centré les dispositions du Plan national de développement économique et social (PNDES) concernant les femmes et les jeunes. "Le gouvernement soutient cette initiative dans l’objectif d’atteindre la justice sociale et la création d’emplois" a t-il lancé d’entrée, rappelant que 4200 emplois ont été créés dans l’enseignement, à quoi s’ajoutent des mesures d’urgence par la création du travail à haute intensité de main-d’oeuvre.
Il a insisté sur l’axe II du PNDES qui vise la création d’emplois décents et la mise en place d’une protection sociale au profit des femmes et des jeunes à travers notamment la gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes.

Afin de soutenir entrepreneuriat des femmes et des jeunes, le gouvernement va renforcer les dispositifs de financement existants, notamment le Fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ), le Fonds d’appui au secteur informel (FASI) et le Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE). La Société financière de garantie interbancaire (SOFIGIB) bénéficiera également de moyens afin d’accompagner les femmes et les jeunes dans l’accès au crédit.
Dans son discours, le premier ministre a fait plusieurs annonces que l’assistance a bruyamment appréciées. Il s’agit notamment de la mise en place d’un programme intégré de 23,4 milliards de F CFA pour la promotion de la femme, la création d’un Think Thank dédié à entrepreneuriat féminin doté de 35 milliards de F CFA, d’une agence d’octroi de crédit de 55 milliards pour les femmes et les jeunes et enfin le financement de la Chambre des métiers pour 15 milliards.
L’objectif principal de tous ces dispositifs à l’horizon 2020, a insisté le Pau Kaba, est de garantir un emploi décent, la protection sociale à tous, et réduire les inégalités sociales et de genre.
La population burkinabè est estimée à 19 034 397 habitants en 2016 et pourrait atteindre 21 510 181 d’habitants en 2020. Cette population est caractérisée par son extrême jeunesse avec 47% de personnes âgées de moins de 15 ans, 67% de moins de 25 ans et 33,2% entre 15 et 35 ans. Au Burkina comme ailleurs sur le continent, cette jeunesse peut-être un atout pour le développement économique du continent, mais elle peut aussi être une bombe dont la déflagration créerait une instabilité politique et sociale aux conséquences néfastes.

Joachim Vokouma
Kaceto.net