Ça y est, les Américains ont tranché ! Au terme d’une campagne présentielle qui aura coûté au total plus de 2 milliards et demi de dollars, le duo démocrate Joe Biden et Kamala Harris dirigera en principe le pays durant les 4 années à venir. En principe pour l’instant. Car, passé le temps du suffrage populaire et du décompte du nombre de grands électeurs engrangés par chaque camp, le président sortant conteste toujours sa défaite et entend introduire des recours judiciaires dans les Etats où le scrutin a été serré. Il dénonce également de présumées fraudes sans produire jusqu’à présent la moindre preuve susceptible de convaincre la justice.

Notons au passage l’irrationalité de la dénonciation de supposées fraudes électorales par Donald Trump. Manifestement, le président sortant n’a rien compris à la politique. D’ordinaire, c’est le pouvoir en place qui truque les élections pour se maintenir aux responsabilités. Du moins en Afrique. Que le président sortant crie à la fraude électorale contre son opposant prête un peu à sourire ! Il aurait pu, en amont, prendre plutôt des leçons auprès de ceux des chefs d’Etat africains qui ont développé une vraie expertise en la matière ! Je ne cite pas de noms de peur de vexer les moins bien placés dans le palmarès, mais les lauréats se reconnaîtront.
A ce jour, le ticket républicain sortant compte 214 grands électeurs contre 290 déjà acquis pour le camp démocrate. Ce dernier obtiendra même très probablement 306 grands électeurs lorsque le dépouillement qui se poursuit en Géorgie sera terminé. Dans cet Etat, 99% des bulletins ont été dépouillés et Joe Biden a une longueur d’avance sur Donald Trump. Mais le différentiel de voix offrira de toute façon matière à contester à l’actuel locataire de la Maison-Blanche qui refuse d’admettre sa défaite. Même s’il est loin des 270 grands électeurs requis pour être réélu.
Selon la loi électorale, le dépouillement et le recomptage des voix en cas de recours – et si la justice le juge légitime – doivent être clos pour le 8 décembre. Suivra, le 14 décembre, le vote des grands électeurs dans leurs Etats respectifs pour désigner le nouveau président. Les résultats de ces votes doivent être transmis au Sénat à Washington dans les 9 jours suivants, soit au plus tard le 23 décembre.
Puis, le 6 janvier 2021, le Sénat et la Chambre des représentants – qui constituent le Congrès – se réuniront pour arrêter les résultats définitifs et annoncer officiellement le nom du nouveau président des Etats-Unis. Une annonce toujours faite par le vice-président en place, donc par le colistier de Trump, Mike Pence, qui reconnaîtra ainsi la défaite de son camp.
Quant à l’investiture officielle du nouveau président, il aura lieu le 20 janvier 2021. C’est là que Joe Biden et Kamala Harris prêteront serment sur la Bible avant d’entrer officiellement en fonction.
Les résultats de ces élections montrent sans ambiguïté que le candidat démocrate était le candidat des grandes villes américaines et de tous ceux qui, partout dans le monde, s’inquiétaient de voir croître l’instabilité géopolitique et l’insécurité sanitaire sous le regard indifférent, voire devant l’insouciance infantile, de Donald Trump.
Son slogan « America first » (l’Amérique d’abord !) a néanmoins touché le cœur d’une certaine Amérique, celle des Blancs semi-désargentés des zones rurales et de beaucoup d’entreprises soucieuses de payer le moins d’impôts possible. Comme si la prospérité des uns pouvait se construire sur le fondement de la précarité des autres. Et comme si les impôts ne servaient pas aussi à garantir la sécurité de tous. Pour faire preuve de pédagogie, les politiques gagneraient parfois à se souvenir de la célèbre phrase de Lamartine dans ses Méditations poétiques : « Le bonheur du faible est la gloire du fort ». Mais c’était manifestement trop demander au locataire de la Maison-Blanche.

Au terme de ses 4 années de présidence, on retiendra de Trump qu’il a surtout passé son temps à jouer au golf – même le jour de la proclamation des résultats de l’élection ! – et à poster des tweets fantasques et peu diplomatiques. Car, si ses résultats économiques lui ont fait miroiter dans un premier temps quelque espoir de réélection, ils ont été vite balayés par la crise sanitaire du Covid. De sorte qu’au final, Trump laisse une Amérique moins riche et plus que jamais divisée que Joe Biden et Kamala Harris devront sans délai s’attacher à réconcilier. Une lourde tâche en perspective.
Surtout que l’héritage de Donald Trump en ce qui concerne la crise sanitaire elle-même est pour le moins désastreux. Avec plus de 240 mille morts du Covid-19, les Etats-Unis sont le pays qui enregistre le plus grand nombre de décès dans le monde même si, rapporté à la population, ils ne sont pas les premiers. Le président Trump a montré face à la crise une inconscience étonnante pour une personne placée à la tête de la plus grande puissance mondiale.
Barack Obama a vu juste lorsqu’il a déclaré dans un meeting en faveur de son ancien vice-président Joe Biden, que Trump « n’a même pas été capable de se protéger lui-même ». Frappé par le Covid, il a bénéficié de soins dont aucun des centaines de milliers d’Américains morts ne pouvait bénéficier. Puis, sorti d’affaire, il a continué à se vanter d’être plus fort que le virus en fanfaronnant sans la moindre considération pour les victimes. On n’oublie pas non plus sa décision irrationnelle, égoïste et de courte vue quant aux conséquences de retirer la contribution financière de son pays à l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Donald Trump a souvent claironné avec fierté dans ses meetings qu’il n’est pas un politicien. « I’m not a politician ! » assénait-il à ses inconditionnels en délire. Eh bien, on s’aperçoit que l’étiquette de l’homme qui n’appartient pas au système ne conduit pas forcément à de meilleurs résultats. Surtout quand cet homme est né avec une cuillère d’argent dans la bouche, affiche un narcissisme insolent et fait preuve d’une incapacité à éprouver la moindre empathie à l’égard de ceux de ses concitoyens qui sont dans la difficulté.

A la date du 22 octobre 2020, le détecteur de mensonges du journal Le Washington Post révélait que, sur 1316 jours de Trump à la Maison-Blanche, celui-ci avait proféré 22 247 déclarations fausses, exagérées, trompeuses ou carrément mensongères .
Le journal ajoutait que, pendant la campagne électorale, son moulin à mensonges tournait à plein régime, frisant jusqu’à 50 contre-vérités par jour.
A titre d’exemple, pour masquer sa gestion calamiteuse de la crise du Covid, il a prétendu que, sans son action, le virus aurait déjà fait 2,2 millions de morts aux Etats-Unis. Puis il a ajouté que le coronavirus était en train de disparaître dans le pays grâce à lui. Alors même que le nombre de morts et le taux de contamination ne cessent de croître.
Il a encore claironné que son mur à la frontière du Mexique était en cours d’achèvement. Alors que les travaux ont surtout concerné des réparations de sections déjà existantes. Au total, les nouvelles sections créées sous son mandat ne couvrent même pas une distance de 10 kilomètres. Mais qu’à cela ne tienne ! Trump a poursuivi en avançant crânement une autre contre-vérité : le coût du mur aurait totalement été payé par le Mexique. Ce qui est faux, car les Mexicains n’ont pas payé le moindre centime.
On se souvient aussi de ses prétentions scientifiques quand il professait devant un parterre de journalistes qu’on pourrait injecter du désinfectant ou des rayons ultra-violets dans le corps pour tuer le coronavirus. Une affirmation qui avait suscité l’indignation de la communauté scientifique et même du médecin en chef de la Maison-Blanche, le docteur Anthony Fauci.
Sur un autre registre, il a encouragé le mouvement complotiste et sectaire des QAnon qui voit en lui le sauveur de l’Amérique contre des puissances sataniques représentées par les élites du gouvernement, du monde de la finance et des médias, lesquelles s’entendraient pour commettre des crimes pédophiles selon des rites sataniques. Les QAnon sont même allés jusqu’à propager la rumeur absurde selon laquelle Hillary Clinton mangerait des enfants. Le pire est qu’ils trouvent des esprits suffisamment simplets pour croire à leurs sornettes…

Mais n’oublions pas non plus le regard que le locataire de la Maison-Blanche portait sur le continent africain. Le 11 janvier 2018, Donald Trump avait qualifié Haïti, le Salvador et les pays africains de « shithole countries » (pays trous à merde) ? En matière de diplomatie, il n’est pas de doute qu’on peut faire mieux.
Tous ces faits ont contribué à faire souffler lors de l’annonce des résultats des élections américaines un vent de soulagement dans le monde et chez les électeurs du parti démocrate. Des détournements d’images et de nombreuses caricatures ont circulé sur Donald Trump. Comme pour lui dire avec le sourire : Good bye, Mr. Trump ! See you never more in this job ! (Au revoir, M. Trump ! Qu’on ne vous revoie plus jamais dans ces fonctions !).
A son successeur désormais de faire ses preuves.

Denis Dambré
Proviseur en France
Kaceto.net