S’il y a un problème pédagogique qui mobilise et préoccupe les parents que nous sommes, nos enseignants et nos Etats, c’est bien celui de l’apprentissage de la lecture.

Dans les années 70, un chercheur en psychopédagogie, un certain André INIZAN, a consacré la plupart de ses travaux de recherche sur la problématique de l’apprentissage de la lecture. De ses observations des activités laborieuses personnelles des écoliers en contact visuel avec la langue écrite, il a tiré un principe d’or : les enfants apprennent d’autant mieux à lire qu’ils sont plus durablement et plus intensivement actifs face à l’écrit.
Mieux, André INIZAN a proposé un concept opérationnel essentiel qui a inspiré, en France, l’élaboration du mouvement associatif « Coup de Pouce Clé » soutenu par l’Etat, les Collectivités locales et la société civile (Par « Clé » entendons : « Club de Lecture-Ecriture pour les enfants de CP) : le concept de « temps fécond » qui représente précisément la durée cumulée pendant laquelle le regard d’un enfant est attiré par l’écrit.
André INIZAN a montré que plus le « temps fécond » est important et plus les enfants apprennent vite à lire. C’est aussi simple que cela. Dit autrement, les enfants apprennent plus rapidement à lire lorsqu’ils sont durablement et intensivement actifs face à l’écrit.
Ainsi, les observations d’André INIZAN ont montré que le « temps fécond » par heure de travail en classe sur des supports écrits varie selon le niveau de l’enfant en lecture :
  17 minutes pour un enfant de niveau fort en lecture ;
  14 minutes pour un enfant de niveau moyen en lecture ;
  8 minutes pour un enfant de niveau faible en lecture.
Soit pour une année scolaire :
  102 heures de « temps fécond » pour un enfant de niveau fort en lecture ;
  84 heures de « temps fécond » pour un enfant de niveau moyen en lecture ;
  48 heures de « temps fécond » pour un enfant de niveau faible.

Vous l’avez sans doute constaté, l’enfant de niveau faible bénéficie, hélas, de 2 fois moins de « temps fécond » que l’enfant de niveau fort.
Ces résultats d’observations concernent des enfants de CP scolarisés en France. Il serait intéressant de savoir ce qu’il en est de la réalité de ce « temps fécond » relatif à la lecture pour les enfants burkinabè des villes et des campagnes.
Plus généralement, concernant la situation scolaire burkinabè, il me semble intéressant, au regard de ce concept de « temps fécond » en lecture, de nous poser sérieusement quelques questions essentielles : dans quelles situations nos enfants rencontrent-ils l’écrit à l’école ? Quelle importance et quelle signification cet écrit a pour eux ? Comment pouvons-nous modifier ce que vivent nos enfants pour enrichir leurs rapports à l’écrit, pour que les écrits qu’ils consultent ou interrogent leur soient utiles et/ou agréables ? Ces questions sont essentielles parce qu’elles peuvent nous conduire individuellement et collectivement (parents – enseignants - Etat- Collectivités locales – Secteur privé - société civile, etc.) à modifier profondément les circonstances dans lesquelles nos enfants rencontrent l’écrit, entrent en écrit et à ouvrir une voie plus riche à explorer pour l’amélioration de notre système éducatif élémentaire.
Les temps des campagnes électorales étant des temps de débats qui doivent être utiles pour l’avenir de la nation, saisissons-nous de ces questions.
Deux ressources pour aller plus loin dans la compréhension du concept de « temps fécond » et de la pensée d’André INIZAN sur la problématique de l’apprentissage de la lecture :
  INIZAN, (André). Révolution dans l’apprentissage de la lecture. L’observation objective de l’apprenti-lecteur. Paris : Bourrelier ; A. Colin, 1976.
  INIZAN, (André). Le Temps fécond d’apprentissage : histoire d’un concept éthologique. La Nouvelle revue de l’AIS, 03/03/2004, 25, p. 53-65.

Ousmane SAWADOGO
Kaceto.net