L’ancien joueur de l’équipe nationale de Football de France Lilian Thuram a fait de la lutte contre le racisme, son cheval de bataille, depuis plusieurs années. Son dernier livre « La pensée blanche », sous-titré « On ne nait pas blanc, on le devient », participe de ce combat.

Pendant longtemps, on s’est focalisé sur les personnes discriminées, alors qu’il fallait également se plancher sur celles qui tirent profit de ces discriminations, sans forcément le savoir ni le vouloir.

Telle est la quintessence du livre de Lilian Thuram, « La pensée blanche », sous-titré « On ne nait pas blanc, on le devient ».

Pour Lilian Thuram, au nom d’ « un privilège blanc », les Blancs ont toujours été avantagés dans tous les domaines grâce simplement à la blancheur de leur peau.

Pendant ce temps, les quelques Noirs et métisses qui ont réussi à s’élever au prix de très lourds sacrifices, se doivent de légitimer cette domination, au risque de paraitre comme des ingrats à qui on a donné des faveurs imméritées.

Dans « la pensée blanche », l’auteur a relégué en arrière-plan les manifestations quotidiennes et subtiles du racisme, pour se concentrer sur les fondements structurels de ce fléau.

Ainsi au fil des pages, l’ancien Bleu a dépeint le substrat du racisme sous les prismes de l’histoire, de l’esclavage, de la religion, de la colonisation, de la culture, de l’art, de la littérature etc.

La pensée blanche selon Thuram est celle de l’écrivain français Victor Hugo, pour qui « Le Blanc a fait du Noir un homme » ou de celle du philosophe allemand Emmanuel Kant qui assure que « l’Humanité a atteint sa plus grande perfection dans la race des Blancs ».

Ce sentiment est aussi partagé par un contemporain en la personne de l’ex président français Nicolas Sarkozy, qui a affirmé en 2007, que « l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire ».

Pour Lilian Thuram, ce sont ces genres de postulats qui ont servi durant des siècles et qui servent encore de nos jours, à légitimer implicitement puis explicitement « la différence et l’infériorité » du Noir par rapport au Blanc.

Ils ont aussi servi d’alibi à des esclavagistes, à des religieux puis à des colons, d’exploiter des Noirs et de s’accaparer de leurs immenses richesses matérielles et immatérielles.

Pour Lilian Thuram, le plus tragique est que « la pensée blanche » a réussi à faire accepter aux Noirs, leur supposée infériorité.

Il y fait le lien avec l’acception des femmes et des homosexuels des dominations masculine et hétérosexuelle comme des normes.

« La pensée blanche, n’est pas la pensée des Blancs »

Pour illustrer ce fait, l’écrivain raconte qu’un jour, il a tenté d’expliquer à un homme rencontré dans la rue à Ouagadougou, que le Jésus qui orne le fond d’écran de son portable, était un Noir et non un Blanc.

Peine perdu pour lui. Pire, un autre passant à donner raison au premier quand il tentait à son tour de convaincre Lilian Thuram, qu’ « après Dieu, il y a les Blancs ».

L’ex Bleu explique également que « la pensée blanche », c’est également la négation de la Culture de l’autre ou son confinement à quelque chose d’exotique.

Il garde en mémoire, une amie burkinabè qui a accouché en France, mais qui au réveil, était profondément bouleversée parce que le placenta a été jeté à la poubelle.

Lilian Thuram explique qu’au Burkina Faso, le placenta est enterré dans la cour familiale pour montrer que l’homme appartient à la terre et non le contraire.

Si l’écrivain lutte le racisme à travers sa fondation, il dit cependant ne pas croire au « racisme anti-Blanc », un concept forgé selon lui par les partis politiques d’extrême droite.

« Ce qu’on appelle aujourd’hui, racisme anti-Blanc n’a jamais empêché un Blanc d’avoir un logement, un travail et de circuler dans l’espace public, en ayant peur qu’un simple contrôle de police se termine mal pour lui parce qu’il est Blanc », argumente-t-il.

Toutefois, pour l’ancien footballeur, « la pensée blanche, n’est pas la pensée des Blancs ».

L’auteur note que depuis ses prémices, la pensée blanche a été et est toujours combattue par des militants blancs des droits civiques.

D’après lui, elle était centrée sur l’exploitation des personnes non blanches, avant de devenir à l’ère du néolibéralisme, « une idéologie économique mondiale, basée sur l’exploitation sans limites des humains (sans exception) et de la nature ».

Selon le philosophe et historien camerounais Achille Mbembe, « pour la masse des Blancs pauvres, la grande menace aujourd’hui, (ce n’est pas la pauvreté, ndlr), c’est d’être pris pour et d’être traités comme des Nègres »

En fin de livre, dans un riche dialogue avec Lilian Thuram, le philosophe appelle à « un suicide des races », c’est-à-dire à se considérer avant tout comme humains afin de vaincre les inégalités et les discriminations.

« Nous ne cesserons d’être Noirs ou Blancs, que si nous apprenons à devenir humain, d’abord humain et rien qu’humain. Devenir humain, c’est inventer quotidiennement et inlassablement des possibilités de rencontre avec d’autres humains sur la base de l’affirmation selon laquelle, nous sommes comme tous les autres », se convainc Achille Mbembe.

« La pensée blanche », 320 pages est parue en octobre 2020 aux Editions Philippe Rey. Il coûte 20 Euros TTC (environs 13 000FCFA) pour le public français.

Agence d’information du Burkina