La Commission économique pour l’Afrique déplore la très faible progression du commerce entre pays africains et la médiocre intégration des sous-régions du continent, malgré les efforts entrepris. La relance post-Covid est l’occasion de prendre une nouvelle voie.

Investissements verts et industrialisation. Tels sont les maitres mots de la CEA (Commission économique pour l’Afrique) qui exhorte les pays africains à y consacrer davantage d’efforts. Un rapport de l’organisme onusien, rendu public le 17 mars, constate que les pays africains continuent de commercer davantage avec l’extérieur qu’entre eux.

Ce rapport sur les progrès réalisés en matière d’intégration régionale dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, a été présenté lors de la COM2021, la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique. Cette réunion se tient à Addis-Abeba.

Face aux besoins, l’« accès au financement concessionnel sera essentiel pour restaurer les vies et les moyens de subsistance et retrouver un dynamisme vers la réalisation des Objectifs de développement durable et des objectifs de l’Agenda 2063 », affirme la CEA.

L’Union européenne, indique le rapport, occupe la plus grosse part du marché, soit 29,8% du commerce total, selon les dernières données connues. Toutefois, la tendance est en train de changer, après le Brexit et en raison de l’augmentation des échanges avec la Chine. De son côté, la crise sanitaire a gravement perturbé la mise en œuvre des initiatives d’intégration régionale, y compris la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), en particulier le commerce à cause de la fermeture des frontières.

« Les problèmes de gouvernance, de paix et de sécurité continuent entraver la mise en œuvre de l’intégration régionale », confirme Stephen Karingi. directeur de la Division de l’intégration régionale et du commerce à la CEA. Selon qui « la numérisation est essentielle pour maintenir la compétitivité commerciale et permettre une participation effective au commerce électronique transfrontalier ».

En 2018, l’Afrique ne représentait que 2,6% du commerce mondial, soit une légère augmentation par rapport à 0,2 point par rapport à 2017. Le commerce intra-africain est passé à 16,1% en 2018 (159,1 milliards de dollars), contre 15,5% en 2017. À l’échelle mondiale, la production a légèrement diminué à 3,6% en 2018, contre 3,8% en 2017.

Des pays mobilisés pour la ZLECAf

Alors que des progrès continuent d’être réalisés en matière d’intégration, des défis demeurent. En particulier, la plupart des régions africaines et des États membres ont du mal à réaliser des progrès dans le domaine de l’intégration productive. Laquelle se définit comme la capacité d’un pays à produire et échanger des biens et services avec ses voisins. Certes, avant le début de la pandémie, le commerce intra-africain progressait, mais à un faible niveau.

« Le commerce, la circulation économique des personnes et des services, les infrastructures, la gouvernance, la paix et la sécurité sont les principaux piliers de l’intégration régionale », note la CEA. Pour qui « la paix et la sécurité créent des environnements propices à la poursuite de l’intégration régionale et à la réalisation d’objectifs de développement continental plus larges ». L’organisme note toutefois l’engagement et les efforts de nombreux pays africains dans la réussite de la ZLECAf.

Dans toutes les espaces sous-régionaux, l’intégration productive est la dimension la moins performante de l’intégration régionale. « La plupart sont à la traîne en matière d’exportations et d’importations intermédiaires intra-régionales, et enregistrent une faible complémentarité du commerce des marchandises », note la CEA. Pour qui l’intégration productive est essentielle pour renforcer l’industrialisation et le commerce. « Elle est également essentielle pour intégrer les économies africaines dans les chaînes de valeur régionales et mondiales, comme le préconise l’Agenda 2063. »

Selon le rapport, l’Union du Maghreb arabe (UMA) et la Commission de l’Afrique de l’Est (CAE) occupent la tête de l’intégration productive, tandis que l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est le bloc régional le moins intégré dans ce domaine. L’Afrique centrale (CEEAC) et la CAE sont les structures les plus performantes en termes d’intégration macroéconomique.

Et pour l’avenir ? Hopestone Kayiska Chavula, économiste de la CEA, considère que les pays doivent, en plus de l’industrie verte, également soutenir les PME et renforcer les systèmes de protection sociale pour revitaliser les moyens de subsistance. « Le renforcement des systèmes de santé, notamment par la création de centres de santé régionaux à la pointe de la technologie, est essentiel. » Les pays doivent également s’appuyer sur et renforcer les systèmes de suivi et d’évaluation et les systèmes statistiques existants pour évaluer et affiner en permanence les mesures d’atténuation et de relance.

Il faut de nouveaux financements

L’économiste appelle de ses vœux un soutien de la communauté internationale « pour faire face aux contraintes de liquidités et promouvoir la relance ». Cela peut se faire grâce à de nouvelles émissions et réaffectations de Droits de tirage spéciaux, à une baisse du coût du crédit, à une restructuration ordonnée de la dette et à la recapitalisation des banques multilatérales de développement.

La CEA constate que la crise sanitaire a « considérablement affecté » les progrès du développement social et économique sur le continent. Une grande partie des progrès de ces dernières années a été interrompue, voire annulée. Toutefois, la reprise économique entamée au second semestre 2020 devrait se poursuivre cette année.

Face aux besoins et en dépit de l’endettement accumulé, l’« accès au financement concessionnel sera essentiel pour restaurer les vies et les moyens de subsistance et retrouver un dynamisme vers la réalisation des Objectifs de développement durable et des objectifs de l’Agenda 2063 », affirme la CEA.

Pour autant, la pandémie a créé une opportunité pour une croissance verte résiliente au climat comme une opportunité de stimuler la relance. C’est pourquoi la CEA engage le chemin dans cette direction.

Le Magazine de l’Afrique