"Quel rôle pour le journaliste en situation de guerre ?", voici le thème retenu pour célébrer le 31è anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse dans notre pays le 3 mai. Une occasion pour les professionnels de l’information et la communication de se pencher sur les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier et comment lever les obstacles à l’épanouissement de la liberté de la presse

"Notre métier, ce n’est donc pas de blesser ou de faire mal, mais il s’agit de pointer le mal et ainsi contribuer à sa guérison", a rappelé Boukari Ouoba du Centre national de presse Norbert Zongo (CNPNZ) dans une déclaration lue peu avant le début d’un débat organisé autour du thème. Pour le CNPNZ, "ce thème nous est pratiquement imposé par l’actualité nationale au regard des assauts répétés, en termes de violations de liberté contre des journalistes, mais aussi au regard de la floraison des spécialistes en tout genre qui théorisent à longueur de journée sur le rôle du journaliste".

C’est en 1993, faut-il le rappeler, que la Journée mondiale de la liberté de la presse a été officiellement adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies pour reconnaitre la contribution des médias dans le développement socio-économique des sociétés modernes, et sensibiliser les citoyens sur les atteintes portées à la liberté d’expression et de la presse.
Cette année, cet anniversaire est célébré au Burkina dans un contexte où les journalistes font face à de multiples obstacles dans l’exercice de leur métier. La guerre contre les groupes terroristes qui endeuillent les familles depuis 2026 sert parfois de prétexte pour porter atteinte à la liberté d’expression en empêchant l’accès à l’information ou en suspendant certains médias qui ont eu le tort de publier des informations défavorables au pouvoir en place.
Après Le Monde, Libération, RFI, France24, les autorités de la transition burkinabè ont suspendu le 27 avril 2024 la Voix de l’Amérique (VOA), BBC, de TV5 Monde et les sites d’informations de la Deutsch Welle, Ouest France, APANews, The Gardian et Agence Ecofin. Elles reprochent aux médias d’avoir relayé un rapport de l’ONG Human Rights Watch sur des supposés massacres de civils dans le Nord et le Nord-Est du pays les forces armées régulières.
Régulièrement, des Burkinabè se réclamant des soutiens du pouvoir en place profèrent des menaces contre des journalistes qualifiés d’apatrides et remettent en cause la ligne éditoriale des médias qu’ils jugent pas favorable au gouvernement.
Ces pressions et autres menaces sur les journalistes ont lieu dans un contexte sécuritaire préoccupant où la communication constitue un enjeu majeur aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les professionnels des médias. Comment assurer la liberté d’informer dans un tel contexte ? Que peut-on et doit dire qui ne porte pas atteinte à la bonne conduite de la guerre ? Au nom de la guerre, faut-il se contenter de relayer les informations officielles sans une remise en perspective des sources d’informations ? Autant de questions auxquelles les professionnels des médias font face, sans qu’il y ait un cadre de concertation avec les pouvoirs publics pour dégager un consensus minimum sur la conduite la moins mauvaise durant cette période cruciale de notre histoire.
Comme chaque année, les études sur les indices de la liberté de la presse dans le monde et dans notre pays ont été rendues publiques. On y apprend que le Burkina perd 28 places dans le dernier classement de l’ONG Reporters sans frontières (RFS) en occupant le 86è rang sur 180 en 2024 contre le 58è rang en 2023 .
Le rapport commandé par le CNPNZ attribue également attribue la 1,94/4, la plus faible moyenne de l’histoire du pays, ce qui traduit un réel recul en matière de liberté de la presse.

Dominique Koné
Kaceto.net