De quoi parle-t-on quand on évoque le triptyque « paysans (agriculteurs)-éleveurs (pasteurs)-sahel » dans les titres de publications francophones en ligne ? Pour y répondre, en l’approchant et de façon synthétique et visuelle, je vous propose la cartographie sémantique ci-après. Elle a été générée en analysant un corpus pertinent et significatif de titres couvrant la décennie 2012-2021.

Cette cartographie met en évidence un certain nombre de thématiques, mais je voudrais ici attirer l’attention sur un autre triptyque central et structurant du corpus analysé : la catégorie analytique « conflits/violences, paysans-éleveurs ». En effet, trop souvent dans les médias et dans les cercles politiques, la relation « paysans-éleveurs au Sahel » est vue sous l’angle d’un rapport conflictuel et antagonique. Comme si paysans et éleveurs (souvent associés aux Peuls) étaient des « identités » (ou groupes socio-culturels) inévitablement opposées, condamnées à se livrer une concurrence acharnée pour le contrôle de ressources rares au Sahel (terres, pâturages, eau). Cela peut être séduisant en théorie, mais la réalité vécue est nettement plus complexe. Bien souvent, la relation paysans-éleveurs est plutôt faite de complémentarité et de coopération entre les deux importants groupes d’acteurs du terrain sahélien. Cette relation n’est pas du tout réductible à une opposition commode mais simpliste et fausse pour l’essentiel.
Ceci étant dit, le fait remarquable est aussi que les références aux « conflits/violences paysans sédentaires versus éleveurs nomades » au Sahel se sont multipliées dans les titres des publications francophones en ligne sur la décennie 2012-2021 (voir graphique joint).

L’évolution de la référence au phénomène dans le temps (on observe notamment une amplification à partir de 2015 sur le graphique), de même que les liens qui peuvent se nouer avec la violence djihadiste/terroriste (perceptibles sur la cartographie sémantique) et avec des ressentiments accumulés de longue date par certaines populations rurales sont préoccupants et méritent d’être regardés de près pour en comprendre les raisons profondes in situ et tenter d’y répondre efficacement. Se laisser enfermer dans un raisonnement en termes de
« concurrence inévitable paysans versus éleveurs sur de rares ressources naturelles » ou seulement de « chocs identitaires » serait une erreur lourde de conséquences négatives durables pour la paix et la cohésion sociale dans le contexte sahélien.

Ousmane SAWADOGO, Consultant Text Mining, Text Analytics et Analyse sémantique - Kaceto.net