Du 23 au 25 mars dernier, s’est tenue à Ouagadougou, la première édition de la Campagne nationale de promotion du leadership féminin (http://kaceto.net/spip.php?article2109). Organisée par la Plateforme nationale des jeunes pour les objectifs du développement durable au Burkina Faso (PNJ-ODD/BF), ce rendez-vous, qui a été parrainé par l’épouse du président, Sika Kaboré, s’est voulu un espace de dialogue et une occasion pour les aînées de parrainer les jeunes afin de susciter des vocations dans les différents secteurs d’activités socio-professionnels. Le Forum a aussi coïncidé avec le lancement à Ouaga du rapport 2016 du Programme des nations unies pour le développement (PNUD).
Bilan de cette manifestation spécialement dédiée aux femmes avec Cheick Fayçal Traoré, le président du PNJ-ODD/BF, par ailleurs gestionnaire et en cours de spécialisation dans la mobilisation des ressources nationales et internationales

Quel bilan pouvez-vous établir de ce premier forum dédié au leadership féminin ? Vos objectifs ont-ils été atteints ?

Oui, l’objectif est largement atteint. Dans un premier temps, l’idée était de mobiliser des femmes au parcours exceptionnel qui accepteraient de partager leur expérience avec de jeunes filles souhaitant avoir le même parcours. Ce n’est pas une chose à faire parce que nous sommes dans un pays où les gens sont souvent d’une modestie maladive. A l’arrivée, nous avons eu une dizaine de femmes burkinabè qui sont venues, dont la marraine, qui réside en Afrique du Sud, Delphine Traoré, directrice générale des opérations du groupe Allianz. Notre satisfaction vient du fait que nous voulions créer de nouveaux outils de relations entre la jeunesse, les partenaires et le gouvernement. D’habitude, les jeunes ont des initiatives et le gouvernement regarde comment il peut les accompagner avec les partenaires. Nous avons fait un tandem entre la Plateforme et le PNUD pour le lancement de son rapport 2016 au Burkina, une première qu’un événement des Nations unies soit associé à un évènement de la jeunesse ! Notre satisfaction vient aussi du niveau de mobilisation des filles pour participer à ce programme. On tablait au maximum sur 500 candidates et à l’arrivée, on en a enregistré 700, ce qui a obligé l’équipe à revoir la méthode de travail. Enfin, nous sommes fiers d’avoir établi la connexion entre ces femmes leaders et les jeunes filles et à la cérémonie de clôture, c’était vraiment très émouvante parce qu’en deux jours, on a vu que des liens se sont tissés entre les Mentors et les filles. C’est ce dialogue intergénérationnel que nous visions.
Combien de filles ont été retenues pour être suivies par des Mentors ?
Au final, il y a 22 filles qui ont été retenues par 7 Mentors pour le moment parce qu’il y a deux autres qui ne sont pas venues. Nous allons poursuivre la discussion pour qu’elles puissent aller au bout de l’opération.

Quel est le profil des filles qui ont été retenues ?

Elles ont des profils assez diversifiés, mais pour l’essentiel, ce sont des filles qui ont été retenues dans les institutions financières, dans l’agro-business, l’ingénierie, les questions d’eau, d’assainissement, etc. Il y a des filles qui travaillent et qui avaient besoin d’accompagnement pour parfaire leurs parcours déjà entamé

Que va-t-il se passer maintenant pour elles ?

L’étape suivante, c’est formaliser le Mentorat à travers une convention que nous allons signer dans les jours à venir. Durant un an, elles seront encadrées par coachings. Au niveau de la Plateforme, nous sommes en train de travailler pour que même les filles qui n’ont pas été retenues, soit réunies dans un incubateur et formées. Nous espérons organiser six sessions de formations sur des thématiques qui les intéressent d’ici mars 2018. Ensuite, il y a aussi le tutorat avec des filles qui seront placées dans des institutions pendant 6 mois et ce programme sera lancé à partir du 15 avril. Nous allons rencontrer les institutions qui ont déjà accepté les filles, puis lancer un appel à candidatures internes pour permettre à celles qui s’étaient quelque peu trompées de choix, de changer.

Les Mentors ne sont pas toutes au Burkina. Comment va se passer le suivi des filles ?

Nous avons fait confiance aux Mentors parce que ce sont elles qui ont choisi le profil des filles qu’elles étaient prêtes à accompagner en fonction de leurs contraintes. Celles qui ne sont pas au Burkina, comme la marraine, ont pris le soin d’échanger virtuellement avec les filles qu’elles vont encadrer et ensemble, elles ont étudié le moyen de rester en contant en permanence. Il y a par exemple une fille qui est en Corée du Sud et son Mentor au Burkina ; on a travaillé pour qu’elle puisse participer au Forum et qu’elle soit bien suivie par son Mentor

Quels liens entretenez-vous avec la présidence et le ministère de la Femme, de la solidarité nationale et de la famille ?

Il n’y a pas de liens formels entre la Plateforme et la présidence, mais lors de l’audience que le président du Faso nous a accordée, il a insisté pour que cela soit fait ; de même qu’avec le ministère afin que les filles qui ont des projets intéressants soient accompagnées par des mécanismes institutionnels. Le président nous a promis d’apporter le soutien nécessaire pour que la prochaine édition soit plus réussie, et qu’il y ait plus de filles que cette fois-ci où il y avait 150 participantes. D’ailleurs, une des recommandations des participantes est de revoir le nombre à la hausse, mais c’est aussi une question de moyens parce qu’il faut les prendre en charge. Avec le ministère de la Femme, nous nous y sommes pris tard, mais même si on n’a pas bénéficié de son financement, la ministre Laure Zongo était là à l’ouverture, et la secrétaire d’Etat chargée des affaires sociales à la clôture. Des techniciens du ministère ont aussi participé aux débats durant le Forum.
Nous pensons aussi que le lien sera durable avec le PNUD après le lancement de son rapport et nous espérons nouer des liens avec d’autres organismes de l’ONU.

D’où viennent les filles qui seront suivies par les Mentors et pourquoi un forum dédié spécialement à elles ?

De plusieurs régions même si cette fois-ci, certaines régions n’ont pas participé parce que l’information n’a pas été suffisamment diffusée. Nous avons supporté l’essentiel de l’organisation même si nous avons bénéficié du soutien de partenaires et de Mentors.
Quant au second volet de votre question, la réponse est simple : nous avons constaté dans le rapport publié par le PNUD que l’Afrique a perdu 6% de son PIB en 2014, c’est-à-dire 105 milliards de dollars parce qu’il y a un gap énorme entre le travail des femmes et celui des hommes. Ce gap influence le développement sur notre continent et il faut changer le leadership au niveau des femmes. Il y a du potentiel chez les femmes mais peu d’opportunités s’offrent à elles de s’exprimer. Nous devons agir sur les couches les plus faibles, c’est-à-dire les femmes.

Quelles sont les prochaines actions de la Plateforme ?

Dans l’immédiat, c’est le programme du Mentorat qui va se poursuivre et bientôt, on aura des échanges sur le développement durable et la place des jeunes dans ce combat. Le PNDES qui a été adopté prend en compte les Objectifs du développement durable (ODD) et accord une place aux jeunes. Il est donc essentiel que les jeunes s’y intéressent et apportent leurs contributions à la réussite de ce Plan.
Bientôt, nous allons lancer un incubateur qui va accompagner le mouvement associatif où il y a beaucoup d’acteurs, mais peu de résultats. L’incubation sociale n’est pas assez comprise alors que ce secteur emploie beaucoup de jeunes, et la dimension association n’exclut pas la création de richesses. Ce que nous souhaitons, c’est que les associations ne soient pas là à attendre des financements, mais qu’elles créent, produisent de la richesse non seulement pour leur fonctionnement, mais aussi pour créer de la valeur ajoutée à leurs activités.

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net