Dans la Tribune ci-contre, l’auteur revient sur les propos du président du CDP, Eddie Komboïgo tenus à l’occasion de la tenue de son bureau politique le 6 février dernier. Pour Edgar Sanou, le CDP a manifestement du mal à digérer sa défaite

Le Congrès pour la Démocratie et le Progrès, l’ex parti majoritaire a manifestement du mal à digérer sa défaite à l’occasion du scrutin du 22 novembre 2020, à en juger la dernière sortie de son Président Eddie KOMBOIGO lors de la réunion de son bureau politique le 6 février 2021. Le CDP aurait essuyé une défaite qui n’en est pas une et se serait abstenu d’appeler à investir la rue au nom de la paix sociale et du sens de la responsabilité.
Il faut croire que par ces mots, son Président essaie de consoler les siens comme il peut au moment où la saignée des militants se poursuit vers d’autres formations politiques. Autrement, à défaut d’un diagnostic rigoureux, véritablement sans complaisance sur les causes de la dérouillée de novembre 2020, il ne serait pas surprenant que l’ex parti majoritaire atteigne le fond au sortir des élections municipales à venir.
Eddie KOMBOIGO ne s’est visiblement pas remis de la défaite de son parti le Congrès pour la Démocratie et le Progrès aux dernières élections présidentielles et législatives couplées, comme l’attestent ses propos tenus lors du bureau politique du CDP le 6 février 2021 et rapportés par certains médias. En affirmant avoir « privilégié la paix pour accepter une défaite qui n’en est pas une, il entretient l’idée d’un scrutin entaché de fraudes massives et qui aurait profité au parti présidentiel ainsi qu’à ses alliés, comme l’avait soutenu l’opposition sans convaincre grand monde faute de preuves irréfutables.
Passée la période d’examen du contentieux électoral et l’acceptation des résultats par tous les protagonistes, on croyait la posture « trumpiste » remisée à jamais aux vestiaires. Dans les états-majors des partis, la priorité devait être accordée au bilan critique afin d’appréhender les écueils à ne plus reproduire les temps à venir. Gageons que cela a été fait hors micro lors de cette session du bureau politique du CDP, tenue au moment même où la section communale du parti à Tanghin-Dassouri choisissait de rallier la majorité présidentielle en adhérant au NTD.
Il faut dire que l’hémorragie qui s’était accrue à l’orée des élections, s’est poursuivie après leur tenue comme on a pu le voir à travers les publications de certaines démissions dans les médias. Selon l’ancien président français François MITTERRAND, « pour mobiliser un électorat, il faut d’abord mobiliser son propos. » Alors, Eddie KOMBOIGO a-t-il des lacunes à ce niveau comme le susurrent certains ou faut-il donner raison à El Hadj Mahamadi KOUANDA qui défendait la nécessité pour le parti d’apporter son soutien à la candidature du Président sortant au motif que les militants CDP n’ayant pas la culture de l’opposition pourraient migrer massivement vers la majorité ? Il y a probablement un peu des deux.
En effet, s’il est reconnu au Président du CDP un débordement d’énergie, on lui reproche également un manque de charisme, voire de finesse dans ses rapports avec les militants. Or, les chantiers de la reconstruction sont immenses quand on sait qu’au-delà du parti, il y a également l’opposition entière à remobiliser. Ce qui n’est pas une mince affaire rien qu’au regard du vote des députés à l’issue du discours de politique générale du Premier ministre Christophe DABIRE qui a enregistré seulement 21 voix opposées. A ce propos, si l’on suppose que les 20 élus CDP ont voté comme un seul homme, on notera qu’ils n’ont pas obtenu la totalité des voix de leurs alliés de l’ADF/RDA auquel ils ont prêté cinq (5) députés pour permettre la constitution du groupe parlementaire « Paix Justice et Réconciliation Nationale » ((PJRN).
Quand on sait que l’adoption du DPG du Premier ministre et celle du budget de l’Etat sont les deux actes majeurs par lesquels les parlementaires expriment leur soutien ou désaccord avec le gouvernement en place, il faudrait attendre la session budgétaire pour mieux fixer la configuration réelle de l’Assemblée actuelle.
Déjà, on note pour le Chef de File de l’Opposition Politique (CFOP), comme adhérents à ce jour, le CDP et l’ADF/RDA. C’est donc devant un champ de ruines que se tient le nouveau Chef de file de l’opposition burkinabè. Pour colmater les brèches béantes, il lui faudrait d’interminables séances de câlinothérapie. Malheureusement, on assiste à une reprise des sourdes confrontations picrocholines auxquelles l’opposition burkinabè et son parti sont coutumiers. Alors, combien de temps faudra-t-il encore pour dégager les gravats avant d’entamer la reconstruction d’une opposition crédible pouvant jouer le rôle qui est le sien dans la vie démocratique nationale ? Ce n’est certainement pas demain la veille à la lumière des stratégies d’approches empreintes d’outrances hystériques. Clausewitz disait que pour concevoir un plan de bataille, il faut avoir deux choses en tête : la configuration du terrain et le but de la guerre. Les futures grandes batailles politiques qui s’ouvrent au Burkina Faso sont celles des élections municipales et de la réconciliation nationale.
Une chose est sûre : l’opposition abordera ces échéances en position de faiblesse et ce n’est pas au pouvoir de la requinquer. Il n’y a pas de bonne médication sans bon diagnostic préalable. Si la bonne posture pour elle dans le contexte actuel n’est pas celle du godillot les petits doigts sur la couture du pantalon, guerroyer en gants blancs et à tout va n’est également pas la solution surtout quand les griefs brandis sont manifestement éculés. S’agit-il d’irriter les dirigeants actuels au point de les pousser à la faute, en contestant leur légitimité ou de poser les linéaments d’une confrontation à l’occasion des futures élections municipales ? Il faut craindre que tout cela ne soit contre-productif parce que les bonzes du MPP réfléchissent déjà à autre chose. Du reste, beaucoup d’observateurs estiment que le nouveau Président du CDP a encore des efforts à faire pour se défaire de l’image de croquemitaine qui lui a été collée, s’il veut réussir son pari.

Edgar SANOU Pour Kaceto.net