Il est rare que je défende le gouvernement. Pourtant, c’est ce que je comptes entreprendre ici. Si des gens ne comprennent pas le message, qu’ils veuillent bien m’excuser ! Du reste, on peut continuer la discussion.

G5, ça ne vous dit rien ? G, je n’en sais rien parce que c’est affaire de militaire. Et la bouche doit faire attention quand la tête ne maîtrise pas le sujet. Mais 5, là je peux. Parce que c’est 5 pays de la zone sahélienne qui sont concernés par le problème. Pour preuve, il suffit à chacun d’entre nous de regarder sur la carte. Ils ont monté ce G5 avec une école de police en Mauritanie et une école militaire à Selibaby, sur le fleuve Niger. Là, l’honnêteté me commande de vous dire que je manque de précision. Donc, s’il y a erreur, veuillez me pardonner. Car ce sont là des questions délicates. Très délicates même pour le profane. Mais G5, c’est parce que les frontières des États ne doivent pas constituer des obstacles pour l’action militaire. Là, je crois que tout le monde comprendras. Toi même tu sais. Si tu poursuis un bandit qui franchit la frontière d’un autre État, ton action s’arrête net. Pas facile pour des soldats sur le terrain. Tu regardes ton brigand poursuivre sa fuite, et toi tu dois t’arrêter. Si on ne lutte par pour garder le contrôle de soi-même, on risque de faire n’importe quoi. Or, justement, on a formé un soldat afin qu’il ne fasse pas n’importe quoi. Mettez-vous un peu à leur place ! Essayez de voir la situation de nos garçons ! Donc l’idée, c’est que quand la troupe de poursuivants burkinabè stoppe net à la frontière, les soldats Nigériens ou Maliens continuent de pourchasser les malfaiteurs.

Un fusil et une carabine

Il y a de très fortes probabilités que je raconte des bêtises. Je ne connais même pas la différence entre un fusil et une carabine. Par contre, ce que je veux dire, l’essentiel de mon message, c’est qu’il me semble fallacieux d’en faire un problème uniquement burkinabè. Donc, charger les autorités burkinabè de tout côté ne me paraît pas judicieux. Évidemment, dire que tout le monde au Sahel commet les mêmes sottises ne dédouane personne. Par contre, l’unité d’action est plus efficace. On veut que le gouvernement nous raconte la vérité. En temps de guerre, cela est impossible. Car nous sommes bien en guerre.

Et en temps de guerre, il y a unité d’action obligatoire entre le personnel politique et le personnel militaire. Je n’ai pas dit politicien. J’ai bien précisé et j’insiste,
« personnel politique ». C’est-à-dire les femmes et les hommes que nous avons votés pour nous diriger. Ils n’ont pas usurpé leur pouvoir. C’est en conscience que les Burkinabè les ont choisis.

Avaler sa fierté nationale sans recracher

Ensuite, il y a la force Barkhane. Je ne suis même pas sûr de la bonne orthographe. Je crois pouvoir dire que ce sont des Chefs d’état africains, « debout sur leurs testicules » comme dit un écrivain célèbre, qui ont avalé leur fierté, pour aller demander du secours à autrui. Comment c’est fait cette force Barkhane ? Comment elle fonctionne en symbiose avec nos États ? Qui est qui et qui est dans quoi ? Quelle sauce est faite de tel ingrédient ? Qui doit manger quoi et à quelle heure ? La question nous dépasse. Pourquoi la question nous dépasse ? La réponse est pourtant simple. Un combattant ne peut pas dire, j’ai un fouet, j’ai un marteau, j’ai un fusil de tel calibre, alors que l’ennemi écoute. Donc, même si ça nous énerve, la Force Barkhane a et gardera ses secrets. C’est la vie qui est comme cela. Une coépouse ne peut pas tout dire à sa rivale.

Responsabilités nationales

Pourquoi avons-nous eu besoin de G5, pour quelles raisons avons-nous eu besoin de la Force Barkhane ? Si on est honnête dans son cœur, on verra que ces questions ne sont pas simples. Pas simples, tout simplement parce qu’elles nous placent brutalement devant nos propres responsabilités. Ce n’est pas facile à accepter, convenons-en ! Tentons une esquisse de réponse. Si nous avons formé des troupes de répression contre nos propres populations, si depuis les indépendances les forces armées ont eu pour mission principale la protection du régime en place, c’est la faute à qui ? Chaque fois que j’ai mis les pieds à Kosyam, j’ai toujours eu la sensation d’être dans une caserne militaire. Le Ouagalais qui ne me croit pas peut aller y faire un tour. Le Conseil de l’Entente, c’est encore pire.

Alors ?

C’est la question après ce long développement. Mon propre village est placé en plein centre de la zone de tous les dangers. Pile là où il ne faut pas. Pourtant, nous vivons avec. Matin, midi et soir. Quand on est à Ouaga, on ne mesure pas. Pourtant j’insiste. Charger les autorités nationales de tous les maux, les accuser de toutes les mauvaises intentions, ce ne peut être la solution. Ce qu’il faut, c’est un sursaut national derrière notre gouvernement et aux côtés de nos FDS sur le terrain. Les autorités religieuses ne peuvent rester muettes alors qu’on commet des crimes au nom de Dieu. Les Imams doivent expliquer publiquement que ce n’est pas cela le plan d’Allah. Il est impossible que nos autorités coutumières n’adressent pas un message à la jeunesse en cette circonstance. Chaque maman porte une grave responsabilité quand son garçon ou sa fille va se faire exploser dans un lieu public.

En tout cas, c’est mon ressenti. Et je précise qu’il s’agit de la nation, de la sécurité de la nation, du devenir national. En un mot, quel monde comptons-nous laisser à nos enfants après notre mort ? Et je redis : si nous les Anciens on est pas capables de vous dire la vérité, pourquoi Dieu a-t-il jugé utile de nous garder aussi longtemps sur cette terre ?

Sayouba Traore

(Ecrivain-Journaliste)