La croissance des envois de fonds en 2022 s’est ralentie, et sera faible l’an prochain, estime la Banque mondiale. L’institution n’écarte pas de bonnes surprises, si la solidarité des diasporas, solide ces dernières années, est toujours au rendez-vous.

Sans surprise, l’Afrique est exposée aux effets des crises simultanées qui affectent l’économie mondiale, constate la Banque mondiale dans son rapport sur les transferts de fonds. Selon ses premières estimations, les transferts auront progressé de 5,2 % cette année ; la croissance avait atteint 16,4% en 2021. On s’en souvient, la diaspora avait fait montre d’une résistance au « choc Covid », qui avait surpris les experts de la BM eux-mêmes, en 2020.

L’équation reste inchangée : les résultats des envois de fonds dépendent de l’équilibre entre les besoins croissants de soutien de la main-d’œuvre africaine à l’étranger, et la disponibilité des revenus dans les pays d’accueil à envoyer.

Depuis 2009, les envois de fonds constituent la principale source de flux de ressources extérieures pour les pays en développement de la région MENA, représentant 60 % du total des entrées en 2022, éclipsant largement la somme de l’Aide publique au développement, de l’investissement étranger et des flux d’actions et de dette de portefeuille.

Il est fort probable que l’évolution défavorable de la situation internationale persiste en 2023, et le rythme des envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne pourrait se ralentir à +3,9 %. L’accessibilité des denrées alimentaires et la détérioration des revenus réels dans les pays africains indiquent la nécessité d’un soutien financier. Or, du côté des remettants, les perspectives économiques s’assombrissent et les salaires réels devraient se contracter aux États-Unis et dans la zone euro en raison d’une inflation plus élevée. Ces conditions laissent présager des gains continus mais plus lents au cours de l’année.

Petite précision : la remontée du dollar par rapport à l’euro tend à amoindrir mécaniquement la croissance des envois de fonds, exprimés en dollar.

Au Maghreb et Moyen-Orient, des signes de ralentissement sont apparus au cours de l’année 2022, liés en partie à l’érosion des gains salariaux réels dans la zone euro ; et malgré une forte hausse de la demande de fonds dans les pays d’origine dans un contexte de dégradation des conditions régionales. Il s’agit notamment d’une incidence importante de la sécheresse au dans le nord du continent, et des effets fiscaux négatifs des subventions aux denrées alimentaires et aux carburants. Au Maroc, on relève une baisse à partir d’avril de cette année, avec une chute brutale de 6,5 % (en glissement annuel) au cours du deuxième trimestre de 2022. Toutefois, les chiffres du mois d’août ont surpris à la hausse, contribuant probablement à limiter dans une certaine mesure l’assouplissement envisagé (+2,5%) pour 2022.

Fort ralentissement au Maroc

« La persistance de tendances défavorables dans l’environnement mondial et l’aggravation des difficultés financières dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord devraient ralentir le rythme des envois de fonds, pour atteindre 2 % en 2023. » Toutefois, « les projections pourraient être revues à la hausse si l’altruisme affiché en 2021 refait surface ». Dans un scénario de base, les flux vers le Maroc seront probablement les plus touchés, passant d’une croissance de 44 % en 2021 à 4 % en 2023, tandis que l’Égypte devrait enregistrer une hausse modérée de 2 %.

Une fois encore, la BM regrette que les coûts des envois de fonds restent élevés, très loin des objectifs de 3 % définis par les Nations unies. Le coût moyen mondial de l’envoi de 200 dollars était de 6 % au deuxième trimestre de 2022, sans grands changements en un an. L’Afrique subsaharienne continuait d’afficher le coût moyen le plus élevé, soit environ 7,8%, en très légère diminution. L’Afrique sub-saharienne reste la région la plus chère pour envoyer de l’argent. « La différence moyenne entre les cinq corridors les plus chers (25,2%) et les cinq corridors les moins chers (3,4%) est stupéfiante, et nettement plus élevée que dans toute autre région en développement. »

Les banques restent le canal le plus coûteux pour envoyer des fonds, avec un coût moyen de 11 % au cours du deuxième trimestre 2022, tandis que les bureaux de poste sont enregistrés à 6,5 %, les opérateurs de transfert de fonds à 5,2 % et les opérateurs mobiles à 3,5 %.

Les flux entrants vers le Maghreb, qui compte une population importante de travailleurs en Europe occidentale, ont fait un bond de 28 %. Toutefois, avec la suppression progressive des mesures de relance budgétaire liées à la pandémie, la hausse de l’inflation et les problèmes d’approvisionnement en énergie dans la zone euro, les gains de PIB dans cette zone devraient se réduire, ce qui laisse présager une baisse importante des flux vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, la croissance de l’emploi et les salaires réels de la main-d’œuvre migrante se contractant.

En revanche, les gains exceptionnels réalisés par les pays producteurs de pétrole laissent entrevoir une reprise des flux de travailleurs migrants de ces pays.


Un enjeu crucial en Afrique subsaharienne

Depuis 2009, les envois de fonds constituent la principale source de flux de ressources extérieures pour les pays en développement de la région MENA, représentant 60 % du total des entrées en 2022, éclipsant largement la somme de l’Aide publique au développement, de l’investissement étranger et des flux d’actions et de dette de portefeuille. Les envois de fonds et l’APD devraient rester primordiaux pour la région à moyen terme, compte tenu de l’incertitude que la guerre en Ukraine a fait peser sur les perspectives mondiales.

Concernant l’Afrique subsaharienne, la BM prévoit une croissance limitée des envois de fonds en 2023 (+3,9%). Pourtant, elle est « la région en développement la plus exposée aux effets des crises simultanées qui touchent l’économie mondiale ».

Au Kenya (le troisième plus grand bénéficiaire de transferts de fonds dans la région), les informations mensuelles montrent un ralentissement de la croissance, qui est passée de 19 % en avril (en glissement annuel) à une baisse de 5 % en juillet. Depuis lors, les signes d’une reprise, bien qu’encore incomplète, se multiplient. Les États-Unis représentaient 56 % des envois de fonds vers le Kenya en 2021, et un ralentissement de la croissance du PIB américain au premier semestre 2022 a exercé une pression supplémentaire sur les transferts.

Le Nigeria est le plus grand bénéficiaire de transferts de fonds de la région ; toutefois, la croissance est tombée à 0,5 % au deuxième trimestre par rapport à la même période en 2021. En outre, le pays ne profite guère de la flambée des prix du pétrole brut, tandis que la communauté des expatriés subit des pertes de revenus réels aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro. Un fléchissement des flux de transferts de fonds, avec une croissance de 7,5 %, est probable pour 2022.

Les flux financiers vers l’Afrique ont été exceptionnellement volatils sur le long terme ; les envois de fonds devraient constituer 38 % du total des flux en 2022, l’APD représentant 53 « Soumis à moins de volatilité que d’autres sources de flux étrangers, les envois de fonds ont offert un certain soutien aux flux financiers globaux », juge la BM, associée pour ce rapport au cabinet Knomad.

Les principaux bénéficiaires des envois de fonds dans la région en 2022 sont le Nigeria, le Ghana, le Kenya et le Sénégal. Les pays les plus dépendants des recettes en proportion du PIB sont la Gambie, le Lesotho, les Comores et le Cap-Vert. Le classement relatif des dix premiers bénéficiaires a peu changé ces dernières années, à l’exception de l’arrivée de la Gambie dans ce groupe de tête.

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