Le quotidien britannique "The Telegraph" publie des témoignages accablants de migrants en attente d’expulsion, bloqués pour cause de coronavirus dans un pays qui ne veut plus d’eux.

Depuis des années, le royaume d\’Arabie saoudite fait la chasse aux migrants. Déjà en 2013, comme le montre cette image, Ryad menait une politique d’expulsion massive des migrants sans papiers.

Les autorités éthiopiennes ont reconnu jeudi 3 septembre "ne pas en faire assez" pour ses ressortissants détenus en Arabie saoudite. Une réaction qui fait suite à la publication dans le quotidien britannique The Telegraph, d’un reportage sur les conditions de vie des migrants éthiopiens dans les centres où ils sont retenus.

Des migrants ont eux-même adressé au journal des photos de leur situation à l’intérieur d’un de ces centres. On y voit des hommes, une bonne quinzaine, allongés à même le sol dans une pièce qui fait à peine trois mètres de large, sur six de long environ. Sur l’image, on distingue un autre réduit au fond de la pièce où sont installés dans la pénombre d’autres hommes. Un coffrage en tôle peint en rouge semble condamner l’unique fenêtre de la pièce.

Poussés au suicide

Si les images sont choquantes, les témoignages sur leurs conditions de vie en disent long de l’enfer que vivent ces hommes. "On nous donne un petit bout de pain à midi et du riz le soir", explique un jeune migrant à nos confrères. "Il n’y a quasiment pas d’eau et les toilettes sont bouchées et débordent là même où nous mangeons. L’odeur, on s’y est habitué. Mais nous sommes une centaine dans la pièce et la chaleur nous tue."

Les hommes sont aussi régulièrement battus par leurs gardiens sans raison. Et de montrer leurs corps couverts de cicatrices. Des conditions de détention qui poussent certains au suicide.

Cinq mois de cauchemar

Voilà maintenant cinq mois que des centaines de migrants éthiopiens endurent ces traitements inhumains. Victimes collatérales de l’épidémie de coronavirus, mais aussi d’une politique saoudienne qui vise à expulser du pays une main d’œuvre étrangère trop importante aux yeux du prince héritier Ben Salmane, ils sont pris au piège.

Chaque mois depuis deux ans, environ 10 000 Ethiopiens étaient expulsés du pays jusqu’à l’apparition du coronavirus. En effet, face à la menace de propagation et son incapacité à tester tous ses ressortissants de retour, Addis-Abeba a obtenu le soutien de la communauté internationale. L’Union européenne a ainsi réclamé un moratoire sur les expulsions des migrants éthiopiens.

Au moins deux centres

L’Arabie saoudite a alors "parqué" dans des camps de rétention informels, ceux qu’elle envisageait à renvoyer. Grâce à la géolocalisation des téléphones utilisés par les migrants, deux centres ont ainsi été identifiés. L’un près de La Mecque et l’autre dans une ville portuaire à la frontière du Yémen. Il y en aurait sans doute d’autres puisque selon l’ONU, Ryad s’apprêtait à expulser 100 000 migrants éthiopiens.

Coronavirus oblige, les deux pays ont en quelque sorte "oublié" le problème des migrants et se renvoient la responsabilité de la situation. Pour Ryad, l’Ethiopie a refusé le retour de ses ressortissants, car elle n’était pas en mesure "d’organiser une quarantaine à leur arrivée".

Ce que réfute Addis-Abeba dans un communiqué. L’Ethiopie n’a "jamais refusé de recevoir ses citoyens de quelque pays que ce soit", précise le ministère des Affaires étrangères du pays. Il rappelle que 400 000 citoyens éthiopiens ont été rapatriés en trois ans d’Arabie saoudite. 2 000 autres le seront à compter du 8 septembre s’engage le ministère.

Des migrants enfin entendus

Cette fois, le gouvernement d’Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, fait amende honorable. "Le gouvernement éthiopien doit redoubler d’efforts pour lutter contre le trafic d’êtres humains, rendre les contrôles aux frontières plus efficaces et sensibiliser les jeunes", souligne le ministère dans un communiqué.

Autre lueur d’espoir, dans un communiqué transmis au Telegraph, le gouvernement saoudien affirme "examiner l’état de tous les centres gouvernementaux à la lumière de ces allégations", ajoutant que si certains "manquaient à leurs obligations", la question serait réglée.

Franceinfo